« Faut vraiment que j’le suive ? Z‘êtes certains que c’est pas un piège pour m’revendre quelque part ? Ça s’trouve c’est pas un type bien hein ! »

Mon grand-père se mit à s’esclaffer carrément devant mes questionnements et passa une paluche dans ma chevelure rêche qu’il caressa vigoureusement. Pour ma part, je haussai un sourcil en le regardant d’un air dubitatif. Il n’y avait pas lui qui semblait amusé d’ailleurs. Il y avait aussi ma mère qui avait un sourire paisible et dont le regard pétillait d’un éclat que je n’avais jamais vu en douze ans d’existence : Celui d’une immense fierté ! Un fait incompréhensible qui me laissa encore plus sur le cul, si je puis dire. A croire qu’avoir du cosmos à en revendre et se voir proposer une « formation » au fameux sanctuaire s’avérait être une consécration ! Celle de toute une vie ! Un fait que j’avais vraiment du mal à intégrer…

Il faut dire que rien ne prédestinait à devenir un fidèle serviteur d’Athéna. Ou tout du moins de mon point de vue. Tout petit, j’étais déjà un sale gosse : Brailleur, turbulent et malicieux, j’en faisais voir de toutes les couleurs à mon entourage. Le fait d’être le fils du chef d’un grand village d’autochtone et mon prénom qui signifiait en dialecte polynésien « Mon prince » me confortaient dans le fait que tout m’était dû et que je pouvais tout faire comme je le souhaitais. Mon physique n’arrangeait rien non plus à la chose : Ayant connu une croissance rapide, et bien plus imposant que les enfants de mon âge, rien ne m’arrêtait. Rien hormis mes parents et mon grand-père qui veillaient au grain et qui me remettaient sur le droit chemin quand c’était nécessaire.

Mon grand-père était d’ailleurs un fidèle partisan d’Athéna et tenait un camp d’entrainement pour de potentiels saints, un peu à l’écart du village. C’était d’ailleurs la raison pour laquelle il avait cédé le pouvoir à son frère cadet, puis à son propre fils lorsque son frère cadet mourut sans descendance. Respecté pour ce qu’il était pour le village, le vioque était néanmoins marginalisé. Plus ou moins, dira-t-on. Personne ne croyait en Athéna, d’autant plus que les polynésiens avaient une mythologie qui leur était propre. Et puis, la mort lointaine d’un enfant de la région, « Moses », ex-chevalier de la baleine et force de la nature adulé des siens n’aidait pas vraiment les autochtones à se faire une bonne image des histoires entourant le mythe d’Athéna.

Quelques personnes cependant croyaient en Athéna dur comme fer : Ma mère était un exemple concret, palpable.

Sauvée par un saint dans le passé, elle n’avait de cesse de me vanter leurs louanges à travers des récits qui lui venaient de mon grand-père. Mon père, imperméable à ces histoires, ne le voyait pas forcément d’un bon œil, mais ne disait rien. De toute façon, j’étais bien parti pour prendre sa relève ou pour devenir un pro de rugby, selon comment l’avenir se dessinait. C’était pour cette raison d’ailleurs qu’il me laissait fréquenter son propre paternel (le grand-père) qui prenait plaisir à me soumettre à des entrainements physiques assez rudes qu’aucun autre gosse de mon âge ne pouvait tenir. Ce dernier satisfait de la situation avait également senti en moi un potentiel énormissime via un cosmos latent qui ne demandait qu’à exploser.

Et ce cosmos, il explosa bel et bien à mes douze ans ! Revenant d’une excursion dans une ville voisine organisé par l’état qui souhaitait désenclaver les peuples aborigènes trop reclus sur eux-mêmes, le bus scolaire qui transportait tous les enfants de mon village tomba d’un pont à la suite d’une très  mauvaise manœuvre du conducteur légèrement saoul. S’enfonçant dangereusement dans l’eau et menaçant de tous nous noyer, l’adrénaline et le refus de perdre tous mes potes activèrent enfin mon cosmos qui m’amena à briser une vitre, à sortir du bus, à nager jusqu’à l’arrière de ce dernier de sorte à pouvoir le pousser comme si de rien était jusqu’à un rivage, à la surface. Et bien entendu, la prouesse bluffa tous les secourus et pas que…

Les autorités locales firent en sorte de ne pas ébruiter l’affaire, mais elle fut apprise par tous les habitants de mon village et autres patelins environnants. Mon exploit suscita l’admiration de tout le monde. Mais plutôt que de m’en vanter, j’en étais moi-même tout retourné, n’ayant pas capté ce qui s’était passé en ce moment-là. Difficile de réaliser en même temps. Seuls mon grand-père et ma mère comprirent ce qui en découlait. Devant ces faits, mon aïeul décida alors de m’isoler dans son camp. S’en suivit alors un entrainement encore plus strict de trois ans. Pratique, mais aussi théorique évidemment. L’homme me fit alors savoir tout c’qu’il savait sur Athéna, l’épopée de ses chevaliers et les camps qui se dressaient généralement contre le sien.

Puis, à mes quinze ans, un homme se présenta enfin à nous. Un chevalier du moment.

Prêt à prendre la relève du papy. A croire que ce dernier avait p’être vendu la mèche me concernant.

Sans doute n’avait-il plus grand-chose à m’apprendre.

« Non mais pépé, le rugby c’est bien aussi hein ! J’pourrais faire beaucoup d’argent et aider le village ! »

En vain. Si le chevalier ne m’avait pas trainé de force, il faut dire que le doux sourire et les mots de ma mère me convainquirent à le suivre. Ce qui scella également mon sort fut l’aval de mon paternel qui fut bien obligé de reconnaitre ma force colossale digne d’un taureau et l’espèce de spiritualité qui m’entourait et rendait le tout paranormal. Pousser un véhicule de plusieurs tonnes hors de l’eau ou encore déraciner un arbre tout seul, c’était pas donné à tout le monde. Devant l’inévitable, je fis mes adieux un peu en larmes. J’étais un gros couillon certes, mais foncièrement bon et fier d’être un maori. Mes proches, je les adorais énormément. Les quitter pour dédier sa vie à un autre but que servir directement les siens n’était pas facile à digérer.

Mais très vite, je me repris. Le voyage fut passionnant et la découverte de nouvelles contrées et cultures m’énivra aussitôt. La Grèce était un peu particulière, mais le côté moyenâgeux du fameux sanctuaire ne me déstabilisa pas. Je venais après tout d’un village, même si ce dernier avait été développé un minimum. Placé sous l’égide du chevalier, la pierre brute que je fus s’affina carrément et devint plus que polie. Quatre autres années me suffirent à passer tous les tests dignes d’un chevalier d’or avant que l’armure d’or du taureau n’entre en résonnance avec mon cosmos, à la suite d’une énième épreuve, sous les yeux médusés de mon maitre et sous le regard bienveillant du grand pope qui se trouva dans les parages ce jour-là.

A 19 ans, j’étais enfin devenu le chevalier d’or du taureau et prêt à expier les péchés de feu Moses de la baleine pour rétablir l’honneur des Néo-zélandais !

Les années passèrent et mon comportement se bonifia plus ou moins avec l’âge. Conscient de mes responsabilités, je m’efforçais d’être un exemple pour les jeunes générations que j’aiguillais comme on m’avait également aidé, tout en gardant ma joie de vivre et mon éternelle bonne humeur. Mes missions çà et là sur le globe était également couronné de succès. Une ère de paix semblait s’installer durablement. Tout du moins c’est ce que je pensais. Sauf que survint ce fameux assassinat à Asgard. Bien entendu, les rumeurs enflèrent et les suspicions se dirigèrent aussitôt vers le chevalier du poisson. Mais plutôt que de le suspecter à mon tour, je gardai une foi inébranlable en ce frère d’arme malgré le fait que je ne le côtoyais pas réellement.

L’idée pour moi était simple : Tant qu’aucune preuve palpable n’était mise sur la table, il était hors de questions que je cède à la méfiance.

La méfiance était à mon sens la base des scissions et des luttes intestines, fratricides.

Il n’était pas question que le camp d’Athéna se déchire de l’intérieur encore une fois. Surement pas !