Un personnage qui dégage une impression de clarté, c’est ainsi que l’on peut résumer l’aspect physique de Helgi. Il est de taille assez moyenne, et son corps est proportionné de manière équilibrée : en forme, soigné, mais sans excès d’exercice ou d'attention.

Sa chevelure lisse est disciplinée par une demi-queue de cheval qui laisse s’échapper quelques épis courts sur son front. Une mèche enserrée dans un tressage de laine matérialise le voeu qu’il a prononcé de ne jamais faire couler le sang. Son visage est allongé, ce qui accentue naturellement ses expressions graves ou énigmatiques.

En civil, il est habillé de manière assez austère, une tunique grise et un manteau d’un marron automnal, comme il convient aux erilaz. Ses bottes résistantes sont faites pour de longues marches dans le monde sauvage, il porte une besace d’un vert atone dans laquelle il range soigneusement les cadeaux de la Nature, utiles à la préparation de remèdes.

Seul son regard peut avoir quelque chose d’éclatant, avec les yeux couleur rubis qui avertissent ceux qui le rencontrent de ses pouvoirs surnaturels. Il ne faudrait pas offenser un chamane : dans la croyance populaire, ceux-ci sont capables de changer un homme en lapin ou en daim !

Malgré cette menace, il y a quelque chose d’apaisant dans le timbre assez doux de sa voix. Même lorsque ses paroles sont sévères ou moqueuses, elles ne paraissent jamais si tranchantes ou si blessantes. Calme la plupart du temps, Helgi n’est pas du genre à prendre de braves poses guerrières : il préfère croiser les bras et s’absorber dans ses méditations.

Helgi tranche radicalement avec l’image que l’on se fait d’un guerrier divin bagarreur, prêt à en découdre au moindre regard de travers. Au contraire, son comportement frappe par son attitude calme et réfléchie. On n’ira pas jusqu’à dire que c’est un pacifiste : quand il n’y a pas d’autre choix que de combattre pour le bien d’Asgard, il est prêt, débarrassé de toute hésitation.

Cependant la violence lui répugne, en particulier la violence sanglante et animale, celle qui se nourrit de la haine et frappe à l’aveugle sans se soucier du bénéfice ou du tort que cela peut causer au royaume des Ases. Il a fait le voeu de ne jamais utiliser d’arme pour faire couler le sang et jusqu’alors, il s’y est tenu, laissant Tyrfing à son côté, et ne faisant usage que de sa force spirituelle et de ses runes pour vaincre ses ennemis.

Réservé, l’air ailleurs, l’erilaz passe beaucoup de temps à l’écoute des vibrations du Wyrd qu’il peut percevoir. Il est plus attentif à l’équilibre de la nature, à l’harmonie du peuple avec sa terre, qu’aux remous éphémères, insignifiants au regard du Destin, qui agitent les individus. Fuyant la compagnie de ses semblables, il préfère aller écouter le murmure des oiseaux dans la forêt, le grondement des torrents, la rumeur de la terre au fond d’une grotte.

Il ne s’agit pas d’indifférence à l’égard des humains : maître des runes, son caractère doux et bienveillant le pousserait à guérir bêtes et gens, à inspirer la paix et l’harmonie. Cependant, il sait que ce serait un vain travail, rapidement dévoré par les forces du néant excitées par le pouvoir de la lumière. C’est une chose que certains ne comprennent pas, mais il respecte trop le pouvoir des signes sacrés, durement conquis par le sage Odin, pour les utiliser à la légère. Il est ainsi présent, mais discret, pour le royaume, dissimulant sa compassion derrière une façade de froide gravité.

C'est au bout d'un long apprentissage qu'Helgi a réussi à maîtriser certaines runes pour pouvoir défendre Asgard. Lorsqu'il invoque leur assistance, leurs caractères sacrés s'illuminent dans les paumes de ses mains et révèlent alors leur terrible puissance.

Daggaz :

Rune de la lumière, elle permet à Helgi à la fois de se défendre et d’attaquer son adversaire. En attirant les esprits des Walkyries à son secours, il bénéficie de leur lumière irradiante pour voir clairement les mouvements de son adversaire pour les éviter et lui abîme le sens de la vue, si bien que celui-ci exécute imparfaitement ses actions.

Iwaz :

Rune de l’arbre-monde et du voyage chamanique, elle permet à Helgi de transposer un combat dans l’un des neuf mondes d’Yggdrasil, se donnant bien sûr l’avantage d’intégrer le corps d’une créature plus forte que celle qui abritera l’esprit de son adversaire. Il peut même décider de l’y abandonner si celui-ci n’a pas la force spirituelle nécessaire pour faire le voyage de retour. (Cela dure un tour bien sûr, les plaisanteries les plus courtes étant les meilleures)

Laguz  :

Rune de l’éveil, celui qui est frappé de ce signe sacré devient extrêmement sensible aux vibrations du Destin. Pour quelqu’un qui est habitué à écouter le chant du Cosmos, c’est une expérience éprouvante, pour le commun des mortels, c’est un traumatisme : sons discordants, incompréhensibles, kaléidoscope de couleurs aveuglant, il en sortira dans un état de stupeur, vidé de ses forces psychiques.

Kenaz :

Rune du sacrifice et de la maladie, Helgi ne l’utilise qu’en dernier recours. Il y a un coût en sang pour celui qui pratique l’invocation rituelle des forces de l’outre-monde, mais il est alors capable d’appeler les pires démons du Niflhel pour rendre leur jugement impitoyable contre l’ennemi, lui faisant payer ses actes répréhensibles avant sa mort même. Outre le dommage physique qu'il s'est lui-même infligé, Helgi devra endurer les effets néfastes de ce rituel, et ne pourra pas atteindre le septième sens avant de s'en être remis.

Cette histoire commence un soir de novembre. La nuit polaire commence à se faire longue et cruelle à ce moment de l’année : les dernières réserves de nourriture ont été rassemblées, et l’on voit qu’une fois de plus le printemps se fera attendre. Malades et vieillards rassemblent leurs forces pour passer ce nouvel hiver, et le peuple soupire devant l’épreuve qu’il va de nouveau devoir traverser en prières au milieu de la bise glaciale pour leur guide, le dieu Odin.

Tout le monde était calfeutré chez soi pour se préserver des rigueurs de la tempête qui commençait à se lever. Seul un homme cheminait dans les bois sombres, en direction de la forteresse du Valhalla. Il était habillé de gris et de brun, comme le sont les chamanes d’Asgard. Le corps penché en avant, le poing serré sur sa besace de guérisseur, il luttait contre le vent qui faisait voltiger les flocons de neige et sa longue chevelure d’un brun-roux profond.

C’est alors qu’une silhouette se laissa tomber d’un arbre pour se planter devant lui. Le guérisseur eut un mouvement de recul, sur la défensive, avant de constater que celui qui l’arrêtait était un garçon, un jeune garçon à peine plus grand qu’un faon. Il était petit, mais ses yeux bruns brillaient de colère en considérant l’homme de médecine. Celui-ci se redressa et reconnut enfin ce petit être enflé par la détermination.

“ Tu es l’enfant qui voulait me parler dans la maison du chef du village. Que me veux-tu ? “

“ Je veux savoir pourquoi ! “

Les paroles de l’enfant trahissaient une grande émotion : il semblait en oublier de poser sa question. Le vent tourbillonnait autour des deux humains entourés par l’ombre hostile de la forêt : en cette heure, ils n’étaient pas les bienvenus. Mais il semblait aussi que le fil du Wyrd se tordait pour former de nouveaux noeuds dans sa trame … Andreas décida d’encourager l’enfant à dire ce qu’il avait sur le coeur.

“ Comment t’appelle-tu ? Et que puis-je t’apprendre, moi, Andreas, médecin de Sa Majesté la Prêtresse Hilda de Polaris ? “

“ Mon nom est Helgi ! Et je veux savoir pourquoi tu ne guéris que nos chefs ! Est-ce que tu penses que c’est normal que nous autres on meure sans qu’on s’occupe de nous ? Que c’est le destin, que c’est comme ça que les choses doivent se passer ? “

Andréas eut un sourire attristé et ferma les yeux : il était vrai que cela pouvait relever de l’injustice. Pourquoi eux et pas d’autres ? L’enfant crut sans doute qu’il se moquait de lui car un bruit de métal indiqua qu’il avait sorti la petite dague qu’il portait à son côté de son fourreau. Le médecin fixa longuement le garçon. Cet enfant n’était pas dangereux, même s’il semblait perdu et désespéré. Son épée miniature était tenue d’une main crispée plus par la peur que par la rage. Le médecin inclina la tête et ironisa.

“ Et pour cette injustice, tu veux te venger sur moi ? Ou me voler mes remèdes ? Qu’attends-tu alors ? … Non, ce n’est pas ta manière d’agir, Helgi. “

La conclusion tomba en même temps que Helgi baissait son arme, percé à jour. Alors le garçon planta sa dague dans la couverture neigeuse du chemin et posa un genou à terre pour demander d’une voix suppliante.

“ Je vous en prie, Sire Andreas, sauvez ma maman. Elle est à la maison, elle s’est évanouie alors qu’elle faisait à manger. Je l’ai mise dans son lit, mais elle est très malade. Son front est brûlant, elle raconte des choses qui n’ont pas de sens et n’entend pas ce que je lui dis. “

“ Finalement, tu n’es pas un guerrier aussi cruel que tu en as l’air. Malheureusement, je ne peux pas retourner au village pour soigner ta mère : d’importantes tâches m’attendent au palais. Cela a l’air assez grave, mais tu as bien réagi. Prends cette teinture et retourne auprès d’elle pour la lui faire respirer. Elle reprendra conscience et pourra lutter contre le mal de toutes ses forces. Seulement, tu dois me promettre de me rendre le flacon. Demain, dans le bois des aulnes. “

“ Ah … C’est promis ! “

Andreas lança le flacon de teinture qu’il avait précedemment tiré de sa besace et montré à Helgi et le garçon le rattrapa au vol d’un geste vif. L’enfant ramassa son épée et s’apprêtait à partir en courant vers sa maison, mais se ravisa au dernier moment. Il regarda Andreas comme s’il voulait lui dire quelque chose sans savoir comment … C’était une façon trop abrupte de se quitter. Ne devait-il pas s’excuser d’avoir été si violent, ou au moins trouver un moyen de montrer sa reconnaissance ? Le médecin coupa court à cette hésitation et secoua la tête en signe d’excuse.

“ Je suis désolé. J’ai beau avoir étudié beaucoup de secrets de la Nature, je ne connais pas encore celui qui me permettrait d’être à plusieurs endroits à la fois, auprès de tous les malades d’Asgard. Vas, ne perds pas de temps. “

Helgi hocha vivement de la tête : Andreas lui avait généreusement épargné de répondre de ses actes, et ses prunelles brunes brillaient de reconnaissance. Il s’élança dans la forêt et disparut bientôt dans l’ombre des grands sapins. Le vent hurlait de plus belle, mais Helgi tenait dans sa main un espoir qui lui permettait de traverser courageusement la tourmente.

Le lendemain, Helgi était au lieu dit et cherchait son bienfaiteur. Cela lui prit un peu de temps, mais agile et rapide, il savait se glisser entre les lianes et grimper aux plus hautes branches pour se repérer. Il eut enfin Andreas en vue. Celui-ci arrachait des lichens avec son couteau et en remplissait un petit sac de cuir. L’enfant ne se signala pas tout de suite et observa le guérisseur avec intérêt pendant quelques instants. Ainsi donc, c’était comme cela que l’on préparait des remèdes pour soigner les gens ? Andréas se sentit sans doute épié car il interrompit sa récolte pour lever les yeux.

“ Oh. Tu étais là. “

“ Oui. Je suis venu vous rendre le flacon que vous m’avez prêté ! “

Helgi s’approcha pour rendre la teinture à son propriétaire qui la rangea dans son sac.

“ Est-ce que ta mère va mieux ? “

“ Oui, ça a marché. Ce matin, elle se repose. Je me suis levé tôt pour chercher du bois et faire un grand feu dans la cheminée. “

“ C’est parfait. Occupe-toi bien d’elle … “

Andréas reprit son travail, mais se rendit bientôt compte que Helgi était resté à côté de lui à l’observer.

“ Cela n’a pas l’air si compliqué. De faire des remèdes. Je veux dire, il suffit juste de cueillir des plantes … Pourquoi n’y a t-il pas plus de guérisseurs à Asgard ? “

Andréas avait eu un sourire en entendant ces naïvetés. Ou peut-être que le garçon cherchait à le provoquer pour le faire parler ... Il haussa un sourcil surpris en voyant l’enfant sortir sa dague et s’en servir comme d’un couteau pour l’aider à remplir son aumônière, et il le laissa faire avec amusement.

“ Il ne s’agit pas que de cueillette, Helgi. Il faut connaître aussi le bon moment, la manière de les préparer … Tout cela, ce sont des choses que l’on apprend en lisant les anciens écrits. Prends garde de ne pas faire une tisane avec ces lichens, cela ne ferait pas du bien à celui qui en boirait. “

“ Hé bien, il faut simplement savoir lire et suivre les recettes. “

“ C’est beaucoup plus long que tu ne le penses. Il faudrait d’abord que tu apprennes les runes anciennes. Et c’est … incompatible avec tes projets d’avenir. “

“ Que voulez-vous dire ? Ah, mon épée ! J’ai promis à mon père de devenir un soldat comme lui. C’était avant qu’il meure de ses blessures, il y a deux ans … “

Helgi s’arrêta un peu songeur. Andreas commençait à comprendre certaines choses au sujet de ce garçon.

“ Mais tu n’as pas envie de tenir cette promesse ? “

“ Je n’aime pas me battre. Le maître Hercule me reproche de ne pas attaquer, de passer mon temps à esquiver. Les autres se moquent de moi. Mais tout ça, je trouve que ça n’a aucun sens. Les soldats détruisent ce que des gens ont eu tant de peine à construire. Et surtout, je ne voudrais blesser personne. La gangrène, c’est quelque chose de terrible ... “

Andreas hocha silencieusement de la tête. Ce genre de discours était assez rare dans la bouche d’un apprenti soldat pour susciter son intérêt. Lorsqu’ils eurent fini leur collecte, le guérisseur remercia Helgi et s’en retourna à son officine.

L’idée mit quelques temps à mûrir, mais comme il rencontrait le garçon à chaque fois qu’il allait chercher des plantes dans les bois, Andreas lui apprit à lire. Helgi buvait chacune de ses paroles et apprit les caractères avec une rapidité surprenante, au point que le médecin décida de présenter le garçon au conseil des prêtres d’Asgard.

C’est ainsi que Helgi apprit ce qu’il y avait à savoir sur la sagesse que le Seigneur Odin avait transmise à son peuple à travers les runes. Du haut des remparts du palais, quand la brume n’obstruait pas la vue sur le paysage, il pouvait observer parfois l’arène où s’entraînaient ses anciens compagnons. Les premières années, cette simple vision le faisait retourner rapidement à l’étude pour travailler d’arrache-pied.

Au bout de quelques années, il dépassa ce que pouvaient lui enseigner ses aînés. Il apprit l’art de guérir les hommes et les bêtes, mais il poussa surtout la connaissance des runes à un point rarement atteint et effleura du bout des doigts ce que l’on appelle “magie”, et qui est en réalité une compréhension et une maîtrise plus fine du cosmos.

Il sentit alors qu’il avait changé. Ce qu’il tenait pour important autrefois ne l’était plus autant désormais. Il lui semblait avoir vécu prisonnier dans un cachot d’obscurité avant d’avoir compris le sens des signes sacrés qui lui avaient ouvert les yeux sur l’univers. Les asgardiens vivaient et mourraient, mais la terre d’Asgard, elle, même si elle semblait immuable, était infiniment fragile et précieuse. Elle-même faisait partie d’un grand tout, un monde qui pouvait l’entraîner dans sa perte, ou qu’elle pouvait elle-même mener à la ruine en mourant.

Les runes lui avaient enseigné cela. Elles lui parlaient désormais, et elles étaient partout : pas uniquement dans les vieux manuscrits poussiéreux, non, mais aussi dans le dessin des montagnes, dans les ramures des arbres, dans le chant des oiseaux. Il éprouva le besoin de retourner sur la terre d’Asgard non plus seulement pour y trouver des ingrédients pour créer des remèdes, mais aussi pour s’imprégner de ces runes. Ce jour-là, en passant devant l’arène de combat et entendant la clameur de l’entraînement, il comprit qu’il avait pris un autre chemin, mais que peut-être un jour, il rejoindrait ses anciens compagnons et lutterait à leurs côtés, à sa façon.

Et c’est ce qui advint, des années plus tard. Helgi aurait été heureux d’avoir accompli son devoir filial, si l’obtention de l’armure de Hraesvelgr n’avait été la conséquence d’un meurtre innommable qui annonçait sans aucun doute une nouvelle guerre sainte.